Comment regagner la confiance du citoyen
Theo Francken: ‘essentiel et inévitable de suivre le chemin danois’
foto © Doorbraak/An Clapdorp
A la tribune du Cercle de Lorraine devant un parterre de patrons francophones, Theo Francken a développé un discours sur le modèle danois, modèle pour la Belgique pour suivre.
Mesdames et messieurs,
Voici la troisième fois déjà que je me présente devant vous. Cette fois-ci est assez surprenant, car j’ai reçu l’invitation du Cercle à peine lundi, après l’annulation inattendue de la conférence de Jan Jambon. Très peu de temps donc pour préparer un speech, mais on a fait de notre mieux.
Depuis ma dernière apparition ici au Cercle, des nouvelles élections fédérales ont été tenues avec des résultats bouleversants. Je n’exagère pas. Les partis aux extrêmes du paysage politique sont renforcés de manière spectaculaire. L’extrême droite en Flandre a connu une croissance du jamais vu dans l’histoire politique de notre communauté. Le Vlaams Belang a vu tripler ses voix, vers plus de 800.000 en total, ce qui en fait le deuxième parti en Belgique. L’extrême gauche de sa part a percé aussi. Les communistes du PVDA-PTB ont récoltés ensemble presque 600.000 votes.
En outre, les élections de 26 mai ont montré un signal clair de mécontentement chez les citoyens, un signal qui est souvent négligé. De plus en plus de nos citoyens se détournent des élections et du processus démocratique. Presque 1,4 million de citoyens n’ont pas exercé leur droit de vote.
Soit qu’ils ont envoyé leur chat aux urnes, soit qu’ils y ont voté blanc ou nul. C’est immense. Ce groupe, consistant de citoyens qui sont trop déçus, fâchés ou désintéressés pour aller voter, est maintenant devenu le plus grand parti en Belgique, loin devant le N-VA qui a récolté un peu plus d’un million de votes.
Quand je vois ces chiffres, il est clair pour moi que de plus en plus de nos citoyens ont perdu confiance dans la politique. Il ne sont plus convaincus que les partis actuellement en pouvoir peuvent changer vraiment les choses, ni agir face aux défis qu’ils confrontent. Et quand j’y réfléchis, je ne peux pas les contredire et certainement pas les blâmer pour leur attitude. Pendant la campagne électorale j’ai parcouru des dizaines de villes et de villages. J’ai discuté avec toutes sortes de gens, dans les marchés, dans le café, chez le coiffeur, dans les entreprises, et j’y ai appris beaucoup. Il était clair que les gens étaient mécontents et qu’ils allaient donner un signal fort. En outre, leurs arguments n’étaient pas privés de sens.
Mesdames et Messieurs,
Les gens ont raison d’être fâchés quand ils lisent dans la gazette que la dette publique continue à s’accroitre, malgré les économies qui ont été réalisés et malgré le relèvement de l’âge de la retraite avec deux ans.
Les gens ont raison quand ils me disent que les retraites des indépendants et des employés du secteur privé restent loin en dessous du montant nécessaire pour une vie sans soucis. Je comprends leur colère, nonobstant le progrès qui a été réalisé dans ce champ par le gouvernement suédois.
Et que dire des reproches si répandus que l’immigration reste encore trop haute, malgré le renforcement des lois que j’ai pu mettre en œuvre? Je peux leur répliquer que c’est due à l’attraction de notre modèle social et aux directives européennes inadéquates, qui nous empêchent de contrôler et de limiter cette immigration, mais les gens se plaignent que l’immigration nuit au vivre-ensemble de leur communauté et y augmente la pauvreté. Ils restent déçus, car il pensent à juste titre que c’est aux hommes et femmes politiques de résoudre tous ces problèmes.
Mesdames et Messieurs,
J’ai aussi appris pendant la campagne que presque personne ne me parlait de ce que la gauche et les verts appellent la «crise climatique», tandis que ce thème était partout dans les journaux, jour après jour. Par contre, les gens me parlaient de criminalité, du manque de justice, des coûts sociaux liés à la migration et de la peur pour l’islam. Toutes ces préoccupations sont très vivantes auprès de la population.
N’oublions pas qu’on a vécu les attentats à Bruxelles et Zaventem, ça reste un qu’on a connu les cellules terroristes jihadistes à Vilvorde. Nos citoyens ont vécu beaucoup. Leurs craintes commencent à nuire au bien-être de nos concitoyens. Une large enquête menée par l’Union Européenne a montré que seulement 46 % des belges, moins d’un sur deux alors, pensent que leurs enfants ou grands-enfants auront une vie meilleure. On est parmi les plus pessimistes dans tout l’Europe, ou la moyenne s’élève à 57 %.
Malgré mon résultat personnel de 120.000 votes, je me sens donc très humble devant les résultats des élections. Une large partie de l’électorat nous a envoyé un message clair : «ça suffit et ça doit changer !». Bien sûr, il est facile pour certains d’ignorer ce cri et ne de pas l’écouter. Il est beaucoup plus facile de blâmer les gens pour leur choix, de les insulter comme des gens bornés, voir des ignorants, racistes bien sûr, ou même des ‘coléoptères’, comme l’a osé dire Karel De Gucht une fois des électeurs du Vlaams Belang.
C’est aussi plus simple d’éviter le débat sur la migration, en changeant de sujet et en faisant croire que tous les problèmes liés n’existent pas en réalité, mais qu’ils sont mis dans la tête des citoyens seulement par la propagande nauséabonde des populistes.
Tout ça est facile, bien sûr, mais c’est pas mon choix, ni ma voie. Aussi difficile que cela puisse être, il faut par contre leur tendre la main, leur écouter, leur redonner de l’espoir. «De kiezer heeft altijd gelijk», nous disons en Flandre. Le pays a besoin des hommes et femmes politiques qui osent enfin écouter les soucis des gens liés à la migration et au modèle social belge. Pour ce faire, on ne doit pas repartir de zéro et inventer un tout nouveau modèle. Non, la Belgique peut suivre l’exemple de certains autres pays européens, dirigés par des partis qui ont choisi d’écouter les soucis des citoyens et d’y répondre avec une politique innovante. Je peux citer l’exemple du Danemark, un pays pas loin d’ici d’une taille et population plus ou moins comparables.
Contrairement à la Belgique, le Danemark a un surplus budgétaire, une dette d’à peine 34 % du PIB, des retraites élevées, un taux de chômage presqu’inexistante et un taux de migration d’asile parmi les plus faibles de l’UE entière.
Dès lors, et peu surprenant, pas moins de 80 % des Danois indiquent être optimiste quant au futur de leurs enfants et petits-enfants. Des sondages internationaux montrent que les Danois sont parmi les plus heureux du monde.
Au niveau des entreprises, la paix sociale y règne. Les syndicats et le parti socio-démocrate y jouent un rôle constructif. Leur but est d’émanciper les ouvriers par la voie du travail au lieu de les tenir dépendants du pilier socialiste par la voie des allocations. De gauche à droite, les Danois se réalisent que leur pays n’est pas une terre neutre sans âme, mais par contre le seul foyer d’un peuple avec une culture et des mœurs riches, qu’ils font respecter par les migrants.
Notons aussi que le Danemark est parmi les seuls pays en Europe occidentale ou l’extrême droite est en recul. Pas moins de 85 % des Danois exercent leur droit de vote, volontairement, sans y être obligé comme c’est le cas en Belgique. C’est une démocratie florissante avec peu de frustrations et peu de sentiments anti-politiques.
Il est quoi alors, ce secret des Danois, leur potion magique? D’abord, les Danois se sont réalisés qu’on ne peut pas maintenir un état-providence avec des frontières ouvertes.
Par conséquent, ils ont rendu leur législation d’immigration la plus stricte de toute l’Europe. Mais ce n’est pas tout. Ils ont résolument choisi de protéger leur modèle social contre le phénomène de migration sociale. Des immigrés issus des pays non-européens doivent y avoir un minimum de cinq ans de résidence, pendant lesquels ils apprennent le Danois, suivent des cours d’intégration et cherchent du travail, avant qu’ils puissent bénéficier des allocations sociales au même titre que les ressortissants Danois. Pour être clair, toutes ces règles ont été introduites par les socialistes danois. Vous voyez : il existent de bons socialistes !
Et comme c’est le cas partout en Europe sauf en Belgique, les allocations de chômage au Danemark ont été limitées dans le temps, avec un maximum de deux ans. Le gouvernement danois a ainsi restauré le pacte entre l’état et les contribuables, c’est-à-dire l’accord tacite que les taxes seront investis pour le bien-être du pays et du peuple Danois, et non pas mis à la disposition de gens qui n’y ont jamais contribué.
L’économiste americain Milton Friedman disait un jour : «You can have free migration to jobs, but you can’t have free migration to welfare». La Belgique est l’illustration parfaite de cette parole, c’est-à-dire de la mauvaise approche.
Notre système d’asile ouvert à chaque migrant illégal accueille environ 20.000 demandeurs d’asile par an. Tous doivent être logés à un cout de trente-six euro par jour par personne. Notre système de regroupement familial est bon pour 35.000 immigrants en plus par an. Ainsi, des dizaines de milliers de migrants non-européens, souvent peu ou pas éduqués, sont supposés de trouver un boulot sur notre marché de travail exigeant et complexe.
En même temps, notre état de providence offre à tous ces primo-arrivants (nouveau arrivés) un revenu CPAS, du logement social et un tas d’autres avantages sociaux, dès le premier jour qu’ils obtiennent leurs statut de séjour, ce qui réduit chez certains la volonté de travailler. Il ne faut donc pas être surpris de voir que seulement 4 personnes sur 10 des immigrants nés en dehors de l’Union Européenne entre l’âge de 20 et 64 travaillent dans notre pays. En Danemark, c’est 7 sur 10.
La gauche nous dit que c’est un cliché, mais les chiffres montrent que c’est exactement l’inverse. C’est une triste réalité: notre pays se présente au tiers monde comme un pays du miel et du lait.
Les contribuables sont bien au courant de cette évolution et en deviennent de plus en plus fâchés, car avec chaque année qui passe, la situation s’aggrave encore.
A cette irritation s’ajoute ensuite l’irritation de l’austérité, dont l’état se voit obligé pour réduire le déficit budgétaire. Dans ce contexte, les gens ne comprennent vraiment pas pourquoi l’âge de leur retraite doit augmenter de deux ans, sans que le gouvernement ne prenne aucune initiative pour freiner l’accès aux allocations pour ceux qui n’ont jamais payé un sou de taxes dans notre pays. C’est pourquoi je me bats pendant dix ans pour avoir des lois de migration plus strictes.
Mesdames et Messieurs,
Voilà la cause principale de la rupture de confiance entre le citoyen et la politique, que j’ai pu identifier, surtout en Flandre. Voilà aussi les racines de la révolte électorale de 26 mai. Il est grands temps que nous, les hommes politiciens, se le réalisent. Si la Belgique veut maintenir son état de providence aussi pour les générations à venir, et si les politiciens veulent restaurer la confiance des citoyens dans la modèle social, il est essentiel et inévitable que nous suivions le chemin danois, tant en matière de migration qu’en matière de sécurité sociale. C’est une question de respect.
Pour y arriver, les partis politiques belges, y compris le mien, doivent oser briser avec le status-quo en matière de sécurité sociale et de migration, qui a été gardé si rigoureusement par certains partis dans le passé, aussi dans le gouvernement suédois. Sous la direction des partis traditionnelles, la Belgique est devenu le pays oú plus rien ne bouge. Des décisions nécessaires pour l’intérêt général ne sont pas prises, par crainte qu’un adversaire au sein du gouvernement (souvent nous) pourrait marquer un but auprès de l’opinion publique. D’autres décisions nécessaires sont enterrées dans des discussions juridiques sans fin, enfin de les y étouffer, un truc ancien qui est souvent invoqué dans la politique belge pour éviter la discussion sur le fond. Je peux vous en donner tant d’exemples.
C’est cette crainte de bouger, cette peur de réformer, qui étouffe notre pays, qui décourage et enrage les citoyens, qui fait dérailler le budget et qui nous oblige d’accepter et de subir une immigration que personne ne veut vraiment et qui surpasse notre capacité sociale et économique de l’absorber. Pour redonner de l’espoir et de restaurer la confiance du citoyen, nous devons donc nous en débarrasser de cette culture politique stérile.
Il faut oser réformer et prendre les choses en main, sans se cacher derrière des objections juridiques souvent tiré par les cheveux. Et je veux être clair devant vous, mesdames et messieurs, si ce changement de cap serait impossible au niveau fédéral, si la volonté de réforme n’est pas présente parmi nos partenaires autour de la table, vous comprenez avec moi que le confédéralisme devient inévitable et que le cri en Flandre pour l’obtenir ne cessera de s’accroître.
Merci.
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